D’autres marocains de cœur souffrent de cette longue absence au pays de Mohammed VI.
Le Maroc est inévitable. Il est difficile de ne pas l’aimer. Surtout quand, de surcroît, on y compte non plus des amis, mais plutôt des frères et sœurs de même famille. J’ai ma famille au Maroc.
Entre le Maroc et le Sénégal, la relation d’amour vient du fond des âges. Et puis il y a eu ce lien si fort, si beau, si fidèle entre ce poète universel qui a bâti le Sénégal moderne, Léopold Sédar Senghor et l’inoubliable roi chérifien Mohamed V.
Et puis il y a eu cet homme charismatique, cultivé, riche de toutes les traditions et visionnaire : Hassan II. Il n’a fait que ressembler à son époque. Laissons l’histoire ouvrir les armoires et les refermer et apaiser les cœurs et faire oublier les rancœurs.
Au trône, son fils bien-aimé a fait oublier bien des excès. Il est, lui aussi, de son temps. À chaque époque ses hommes !
Non, mon cher Tahar Ben Jelloun, nous ne vous laisserons pas seul aimer le Maroc. Il nous manque comme il vous manque. Son parfum, sa respiration, ses rues, ses maisons, ses marchés, ses costumes traditionnels, son thé, ses fruits, ses mosquées, ses médinas, ses chants, ses danses, oui tout cela nous manque nous ses fils du cœur. Sans compter la fierté des hommes, les promesses de la jeunesse marocaine et cette pudeur sensuelle de ses femmes dont certaines ont gagné leurs galons dans les plus hautes hiérarchies.
Le Maroc n’a pas évolué. Il a bondi dans son développement et gravi des pas de géant dans son développement. Il reste à investir davantage dans l’éducation et la formation. Là est la sortie du tunnel des inégalités.
Ce n’est pas le Maroc qui lutte contre la pauvreté, le chômage, l’inégalité, c’est le monde. Aucun pays n’y échappe. Il y a son roi qui a ouvert le Maroc au monde et affirmé comme jamais son amour pour l’Afrique. Cela compte ! Que de leadership soit salué !
Ce qui fait la particularité du royaume chérifien, c’est qu’il est un refuge. Il apaise. Il inspire. Il invite par le chant de ses muezzins et son architecture, au repos de l’âme, à la paix, la spiritualité.
Le Maroc est une totalité, presque divine : chaleur et neige. Oasis et dattiers. Montagnes et vallons. Mer et lacs. Forêts et vergers. Plaines et champs. Désert et centre ville. Restaurant, café, souk, esplanade. Oui, le Maroc enchante !
Sénégalais, Africain et citoyen du monde de préférence, le Maroc a une place dans mon cœur. J’y lui ai construit une médina. Quand la terre devient moins belle, hormis les bras de ma mère, je me réfugie dans les rues bruyantes, colorées et odorantes de cette médina sans compter les rires uniques, la générosité unique et l’accueil invincible d’amis à Assilah de tous les saints, Essaouira, Fès, Marrakesh, Tanger, Rabat, Casablanca la mondiale. Oui, le Maroc est une magie.
À bientôt Tahar ! Nous sortirons de cette pandémie. L’homme sera plus fort que cette pandémie. La science la vaincra.
Il était bon d’arrêter l’horloge du monde et de comprendre que nous avions besoin des uns des autres. Que notre terre était une, malgré les inégalités, l’injustice et les intérêts terrifiants des riches.
Ne sommes nous pas devenus tous pauvres et désarmés devant ce virus invisible et inodore qui guette les rois, les princes comme les ouvriers ?
Revenons à Dieu ! Revenons à la beauté des cœurs. Revenons à l’humilité, à la générosité, au pardon.
Si nous devons tous finir dans un trou, œuvrons pour que ce trou soit rempli de grâces divines et surtout de ce que nous avons fait de notre vie sur terre. Remplissons d’avance notre tombe de trésors pendant que nous sommes terrestres.
Tahar, que Dieu te bénisse, qu’IL bénisse le peuple marocain, qu’IL couve le roi Mohammed VI.
Oui Tahar, nous aussi nous aimons le Maroc et il nous manque.
Amadou Lamine Sall - poète - Lauréat du Grand Prix international de Poésie Thicaya Utamsi d’Assilah. - Lauréat des Grands Prix de l’Académie française.
LE MAROC ME MANQUE
Par Tahar Ben Jelloun - Le360
Là, je suis en manque. Oui, comme un drogué, un amoureux passionné, j’ai besoin du Maroc. Une année sans le Maroc, cela ressemble à une punition, non que le plus beau pays du monde soit extraordinaire, mais nous l’aimons tel qu’il est, nous l’aimons et espérons le rendre meilleur.
Cela fait aujourd’hui un an que je n’ai pas mis les pieds dans le plus beau pays du monde. Une année pleine de turbulences, de crises, de peur, d’angoisse, d’attente, d’espoir et aussi de deuil.
Une année sans voir mon pays.
Cela ne m’est jamais arrivé. Même durant les années difficiles, appelées «les années de plomb», je me suis toujours arrangé pour passer au moins deux bons mois chez moi. Là, je suis en manque. Oui, comme un drogué, un amoureux passionné, j’ai besoin du Maroc, de son air, de son soleil, de ses nuages, de sa poussière, de ses pluies, de ses montagnes, de ses arbres, besoin de sa foule qui m’énerve souvent, besoin de m’attabler à la terrasse d’un café et attendre l’ami avec qui dire du mal de notre pays, l’ami avec qui je rigolerai, l’ami qui me racontera ce que j’ai raté, qui me donnera des nouvelles des familles qui ont perdu l’un des leurs durant cette vacherie de pandémie, qui me redonnera espoir dans la réussite de la vaccination.
Une année sans le Maroc! J’ai le sentiment d’être exilé, dans la mesure où j’attends de recevoir la deuxième dose du vaccin pour enfin pouvoir voyager. Ici, en France, nous sommes nombreux à souffrir de la politique gouvernementale qui avance puis recule, qui promet des choses puis les oublie. J’ai entendu à la radio un député de droite hurler contre cette politique pleine de trous, d’hésitation et d’inefficacité. Il a donné le Maroc en exemple. Oui, il y a de quoi être fier. Non seulement la politique de la vaccination fonctionne bien, mais aucun passe-droit n’est admis. Cela m’a réjoui d’apprendre qu’un président de région a été sanctionné parce qu’il s’est fait vacciner avant que son tour n’arrive. J’aime ce Maroc discipliné, appliquant à la lettre les principes de l’Etat de droit.
Une année sans le Maroc, cela ressemble à une punition, non que le plus beau pays du monde soit extraordinaire, mais nous l’aimons tel qu’il est, nous l’aimons et espérons le rendre meilleur.
«L’état d’urgence sanitaire» a été prolongé par le gouvernement jusqu’au 10 mars. J’espère qu’à cette date, la pandémie sera en partie vaincue, que la vie redeviendra normale ou presque.
Je ne suis pas chauvin. Il se trouve que, nous autres Marocains, nous avons le pays dans le sang, dans la peau. Vous me direz, c’est le cas de tout le monde! Non, pas de tout le monde. Même si des jeunes font tout pour émigrer, je sais qu’au fond de leur âme, le Maroc est là et que tôt ou tard, ils reviendront à la terre natale même si elle a été ingrate avec eux.
Je suis patriote. J’aime que mon pays respecte le droit et les valeurs humanistes qui forment ses fondations. Il a fallu que l’intégrité territoriale de notre pays soit contestée violemment par le voisin de l’est pour que je me sente offensé dans mon corps et dans mon âme. Je ne suis pas le seul à avoir eu ce sentiment patriotique qui nous rattache au Maroc de façon forte et incontestable.
J’arrête cette déclaration d’amour, d’autant plus que je travaille en ce moment sur un ouvrage consacré au plus beau pays du monde, où je constate et dénonce tout ce qui ne marche pas comme il faut. Aimer, c’est aussi être vache avec l’objet de cet amour, vache, je veux dire exigeant, sans concession, bref attaché et amoureux.