Ici était la mer
ici jouaient les baleines blanches
ici les poissons venaient multiples s’ébattre et danser avec le soleil
et même le soleil s’apprête à partir
la lune rouge et rose aussi
nous sommes tous ici des partants
un port gris et sale arrive
un port de la mort chausse ses godillots
aucune herbe ne poussera plus
les nids des mouettes seront écrasés
les serpents vert et or seront noirs comme le gasoil
les arbres seront coupés amputés jusque dans leurs racines centenaires
ici ne se posera plus les colibris que j’aime tant
mon grenier à ciel ouvert sera fermé aux oiseaux migratoires
ici Dieu avait mis Son lit, étalé Sa natte de
laine soyeuse et de parfum de Médine
le prince a décidé et Dieu a fait semblant de ranger Son Chapelet
mais la nuit n’est pas encore tombée et le prince n’a pas
encore tiré la porte de la muraille nauséabonde
ici était le chant de l’oiseau bleu
ici vivaient les fleurs
ici paradaient les pintades rouge et or
ici les étoiles éclairaient nos livres et les singes
venaient tourner les pages avec nous
ici l’esprit s’apaisait et le cœur battait au gré des vents frais et mousseux
ici le sommeil est moelleux comme une soupe de jeune veau
ici la nuit parle à la nuit et le jour qui se lève n’est
pas un camion d’ordure qui hurle au petit jour
ici le silence est profond comme la mer sans houle et sans vague
ici les arbres nous parlent
on les entend pousser la nuit et ils chantent ils chantent
ici on entend les pétales s’ouvrir
ici le paradis a bâti ses maisons
les plantes y poussent sans permission
les baleines s’attablent au large et leurs enfants naissent
à Ndayane et viennent jouer dans la lagune
Germaine danse dans le crépuscule et la lune feint de se lever
elle danse et la lune regarde
la lune se tait et la nuit tarde car Germaine danse le crépuscule
ce coin de terre et de ciel n’est pas un champ de métal et de pétrole
ce coin de terre n’est pas pour des paquebots de poissons pourris
ici l’air est rempli de crottes des vaches du parfum des citronniers
des hanches colorées des bougainvilliers
ce coin de terre n’est pas une cité de containers et de barbelés
ce coin de terre est pour vivre et non pour mourir
et ce prince qui de son compas a tracé le fond des gouffres
est un prince pourtant aimé
un prince aimé et chanté pour lequel des femmes et
des hommes ont tant habité les minarets
peut-il fusiller les rouges-gorges les blancs pélicans égorger les veaux aux yeux de lait dépecer les singes de l’aube qui viennent boire
dans les petits ruisseaux du Dialaw ?
non ce prince ne brûlera pas la terre des ancêtres
il ne laissera pas les bulldozers rugir comme un troupeau
de lions affamés sur ses protégés
ce Président ne mangera pas les graines des paysans
il ne fera pas sombrer les pirogues des hommes de la mer
il ne brisera pas le rêve des semeurs
il ne recouvrira pas les champs de mil et d’arachide de goudron et de rails
des maraîchers il ne fera pas des mendiants aux feux rouges de Dakar
des braves femmes de Ndayane et de Toubab Dialaw il ne remplira pas de sable et de boue leur marmite et assoiffer leurs enfants sans lait et sans pain
ce prince ne sera pas ce prince-là
il se réveillera avant le jour fatidique
il nous mettra les bras autour du cou
Macky Sall ne sera pas un bourreau
il a le sang bleu des messies
il a le cœur tendre et juste
et si demain nous nous trompons
que personne ne nous montre du doigt
que personne ne nous raille
nous ne nous serons pas trompés sur notre Président
c’est la vérité qui se sera alors trompé
et le port de Ndayane très loin dans le temps
assis sur son vaste cimetière de ruines de containers et de métal
sera alors le plus cruel et le plus infâme des lieux de
deuil que le chant des hommes et de la terre retiendra.